Notre-Dame retrouve ses gardiens de cuivre
Le 23 juin 2025, la première des seize statues de cuivre ornant la flèche de Notre-Dame a repris sa place au faîte de l’édifice. Cette figure, celle de Saint Paul, après avoir reçu la bénédiction de Mgr Laurent Ulrich, a été reposée, marquant ainsi une étape symbolique et forte du vaste chantier de restauration.
Une mobilisation exemplaire face à l’urgence patrimoniale
Âgée de plus de huit siècles, Notre-Dame requiert un entretien constant. Dès 2016, la Fondation Notre Dame a pris l’initiative de solliciter la générosité du public, en partenariat avec l’État, pour anticiper la restauration de l’édifice. À cette fin, elle s’est appuyée sur deux partenaires structurants : la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris (FAPP), qu’elle abrite, et la fondation américaine Friends of Notre-Dame de Paris, créée en lien avec le diocèse afin de mobiliser la philanthropie internationale.
Dans ce contexte, un accord-cadre inédit est signé en 2017 avec l’État, propriétaire de la cathédrale, et les deux fondations. Ce partenariat, conclu pour dix ans, autorisait la levée de fonds auprès de particuliers et d’entreprises, complétée par une contribution de l’État pouvant s’élever à deux millions d’euros par an.
Grâce à cet élan, plusieurs chantiers prioritaires ont pu s’engager, dont celui de la flèche. C’est ainsi que, quelques jours avant la catastrophe de 2019, les seize statues de cuivre (douze apôtres et quatre évangélistes) ont été déposées pour être confiées à des ateliers spécialisés. Ce retrait, in extremis, s’est révélé providentiel : il a permis de sauver ces œuvres du terrible incendie qui, le 15 avril 2019, a ravagé la toiture et la cathédrale.
La restauration des statues, pour un montant global de 1,4 million d’euros, a été financée à 85 % par la générosité des donateurs de la Fondation Notre Dame. « Ces statues témoignent d’un attachement universel et d’une générosité qui a précédé le drame », soulignait Robert Leblanc, vice-président de la Fondation, dans un communiqué.
Des œuvres signées Viollet-le-Duc, entre foi et savoir-faire
Ces seize figures monumentales, hautes de 3,4 mètres, ont été imaginées en 1857 par Eugène Viollet-le-Duc. Réalisées en cuivre repoussé dans les ateliers Monduit, elles reflètent sa vision d’une flèche habitée, imprégnée de foi et de maîtrise artisanale. Chaque Apôtre y est représenté avec son attribut distinctif — la clef pour saint Pierre, le glaive pour saint Paul — tandis que les quatre Évangélistes sont figurés à travers leurs symboles respectifs : le lion, le taureau, l’aigle et l’homme.

Un art ancestral : le cuivre repoussé
Le cuivre repoussé, forme particulière de dinanderie, consiste à marteler le revers d’une feuille de cuivre pour y faire émerger, sur la face visible, un relief finement modelé.
En pratique :
- L’artisan esquisse d’abord le motif sur une plaque fine et souple.
- À l’aide d’outils adaptés (chiffons, maillets, matoirs), il travaille le métal par l’arrière pour en révéler le volume.
- Enfin, la ciselure par l’avant permet de préciser les détails et de sculpter la matière avec finesse, sans ajout ni moulage.
Ses atouts :
- cette technique confère une grande expressivité et des jeux de lumière subtils ;
- sa légèreté alliée à sa robustesse la rend idéale pour des décors installés en hauteur ;
- elle réactive un savoir-faire médiéval que le XIXe siècle, et notamment Viollet-le-Duc, remit à l’honneur à l’occasion de nombreuses restaurations.
Restaurer, valoriser, transmettre
Entre 2020 et 2021, la société SOCRA a pris en charge la restauration complète de ces statues : ossatures internes, plaques de cuivre, patine… chaque étape a mobilisé des artisans d’exception, redonnant aux figures leur splendeur d’origine. En 2021, elles furent exposées à la Cité de l’architecture et du patrimoine, permettant au grand public de les admirer de près pour la première fois.
Le 23 juin 2025, la statue de saint Paul a inauguré le retour de ces gardiens de cuivre au sommet de la flèche, grâce à un dispositif technique garantissant sa stabilité face aux intempéries. Plus qu’un aboutissement, cette réinstallation est le signe d’un engagement collectif : restaurer ce qui a été blessé, préserver la transmission d’un patrimoine et perpétuer un symbole fort.











(c) Yannick Boschat; Établissement Public Rebâtir Notre-Dame